A la recherche de son passé
- psy beaulieu
- 11 janv. 2021
- 3 min de lecture
"La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le passé" a écrit Sören Kierkegaard, j'aime beaucoup cette citation que je pourrais faire mienne dans mon métier de psychologue.
Comment aider quelqu'un à avancer sur un chemin où lorsqu'il se retourne tout est flou ?
Ce chemin derrière chacun de nous c'est celui qu'ont emprunté nos parents, nos grands-parents et tous ceux avant eux. Lorsque s'accumulent les non-dits, les secrets, les mensonges, ce chemin d'où on vient devient broussailleux, dangereux, des trous le jalonnent, qui deviennent des précipices comblés par de l'imaginaire parfois, par du vide souvent. Alors sur ce chemin qui nous précède on ne peut plus s'y retrouver, on ne veut plus se retourner.
Certains diront qu'ils ont préféré "couper" avec leur famille trop dysfonctionnelle, toxique, conflictuelle et c'est souvent la seule solution qui s'offre à eux mais je n'aime pas l'idée de couper, ce que je n'aime pas en fait c'est quand l'idée de "couper" vient du thérapeute et je vais vous expliquer pourquoi.
Si on fait l'analogie avec la pelote de laine emmêlée qui représente notre histoire familiale et le bout de laine qui représente où nous en sommes, alors si on tire sur le bout de laine et que rien ne vient on ne peut plus avancer.
A ce moment là, il y a trois solutions ;
La première, la plus simple, on n'avance pas, on râle ou on déprime, on tire en vain mais on n'avance plus, allant d'échec en échec et parfois aussi de thérapie en thérapie, s'enfermant dans un mental qui tourne sur lui-même, pris au piège de l'inaction. La pelote reste emmêlée et on continue à ne pas avancer.
La deuxième comme je le disais, consiste à couper les ponts, partir, se fâcher, devenir quelqu'un d'autre, faire comme si l'avant n'existait pas, ça revient en fait à couper la pelote, tailler dedans afin que plus rien ne nous retienne. Ca peut marcher, un temps, longtemps souvent toute une vie parfois, l'ego fait table rase des émotions, il avance, tête baissé, il affronte, il bulldozer, il fonce, seul, sans l'aide de personne, il peut soulever des montagnes mais quand il tombe, quand il revient, la pelote est coupée, il n' a plus rien à quoi se rattacher, si ce n'est un grand vide accompagné souvent d'une immense colère. Comment construire sans fondations ? Comment partir sans attache ? Comment avancer sans pouvoir se retourner ? Comment élever ses branches vers le ciel si on n'a pas de racines ?
Et là arrive à la troisième solution, celle qui pourrait paraître facile mais qui est bien loin de l'être, celle où on accepte d'où on vient peu importe ce que cela représente. Celle où on va chercher, où on questionne, où on va bêcher la terre pour retrouver nos racines, comprendre ce passé qui fait partie de nous, qui nous conditionne, qui est partie prenante de tous nos fonctionnements, qui régit notre libre-arbitre à notre insu, qui crée nos loyautés. On commence un travail, un vrai travail. Pas juste aller voir un psy une fois par semaine ou par quinzaine en attendant que tout rentre dans l'ordre tout seul, non un travail de recherche, de questionnements à nos parents, nos grands-parents, on devient détective de notre histoire, on creuse, on cherche, on bouleverse parfois, les légendes familiales ont la peau dure ! On détricotte la pelote, on défait les noeuds, on y voit plus clair. On prend son chemin en main.
Ni pardonner, ni juger, mais comprendre ! Et c'est là que le travail du thérapeute est nécessaire en amont et pendant toute la période de recherche, pour accompagner, pour aider à comprendre, pour libérer, pour voir le chemin sous d'autres perspectives, et ainsi avancer, d'un pied plus sûr vers l'avenir.
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